A l’heure du confinement où le temps semble suspendu, la vigne sortie de son sommeil hivernal pousse à grande vitesse et nous rappelle que la nature n’attend pas et ne peut être confinée. Au Château Doyac, Cru Bourgeois Supérieur du Haut-Médoc, les travaux en biodynamie se poursuivent dans le respect des mesures de sécurité sanitaire de chacun tandis que la conjoncture économique pourtant défavorable laisse entrevoir quelques espoirs.

Quand la vigne commence son cycle végétatif annuel…

Le confinement de la population déclaré le 16 mars en raison de la pandémie du coronavirus, est arrivé au moment où la vigne démarrait son cycle végétatif annuel. Après la taille effectuée pendant son sommeil hivernal, la vigne avec l’arrivée du printemps pointe le bout de ses bourgeons, qui se transformeront rapidement avec l’apparition des premières feuilles. Avec les beaux jours de mars, la vigne a pris de l’avance et nécessite des soins pour préparer la prochaine récolte. La situation sanitaire sans précédent du coronavirus n’empêche pas la nature de reprendre ses droits et la vigne de continuer à pousser. A Château Doyac, on s’est adapté à cette situation exceptionnelle en organisant le travail quotidiennement dans le respect des règles sanitaires dont la mise en place est facilitée par la structure moyenne de 30 hectares de cette propriété familiale située à Saint-Seurin de Cadourne.

« La vie de château » à l’heure du confinement

Depuis le rachat de la propriété en 1998, Max de Pourtalès travaille son vignoble en famille avec Astrid son épouse très impliquée dans les travaux en biodynamie et leur fille Clémence, œnologue, qui a rejoint la propriété en 2016. Premier Cru Bourgeois certifié en biodynamie, la famille de Pourtalès est habituée à s’investir personnellement dans les travaux du domaine. Le confinement n’a pas eu de répercussion sur leur travail qui nécessite une grande présence dans le vignoble. Quant aux trois vignerons-chauffeurs, leur travail se fait séparément, chacun dans sa parcelle. En mars, profitant des superbes journées ensoleillées, toute l’équipe s’est attelée au travail du sol, c’est-à-dire au buttage. Astrid a commencé à désherber à la binette les plus jeunes plantes, trop fragiles pour les outils de travail du sol. Max a préparé une nouvelle parcelle récemment acquise à son voisin pour y planter du Cabernet Franc qui viendra dans quelques années compléter l’assemblage du vin de Château Doyac. Les longues journées de sécaillage (ou carassonnage) ont permis de remettre la vigne en état avant sa pousse et avant les prochains travaux de pliage.

Les nombreux travaux du printemps en biodynamie

Clémence a passé la fameuse CMBT (Compost de Bouse Maria Thun) sur le sol des vignes. Un compost préparé dans le jardin de la propriété et élaboré avec l’aide du consultant en biodynamie Nicolas Jamin. Enterré dans une barrique pendant l’hiver, cet excellent compost devenu souple a été pulvérisé sur tout le vignoble. Le CMBT est recommandé en biodynamie car il développe l’humus dans le sol et favorise l’enracinement de la plante.

De plus Clémence pulvérisera dans les vignes une décoction de prêle 2 ou 3 jours avant la pleine lune de Pâques qui a lieu cette année le 8 Avril. La prêle est l’anticryptogamique de base en biodynamie car elle repousse le mildiou. Elle contient de la silice et provoque donc un durcissement des tissus.

La famille de Pourtalès attend que le froid soit passé et que les sols soient humides pour passer la 500P dans les vignes sur le sol, un compost qui favorise la vie microbienne du sol, sa structure et sa gestion de l’eau. Il comprend les préparations biodynamiques (Achillée, Camomille, Ortie, Ecorce de chêne, Pissenlit, Valériane).

Et le marché dans tout ça : craintes et espoirs

Aux craintes de gel menaçant jusqu’à la fin avril, s’ajoute la frustration de ne pas avoir pu faire déguster l’excellent millésime 2019 aux professionnels durant les primeurs annulés pour cause de coronavirus et reportés à une date inconnue. Ces craintes ajoutées à la tourmente économique déclenchée par les taxes américaines, ne sont pas des signes encourageants pour la filière viticole. Mais malgré ce contexte difficile, Château Doyac entrevoit un peu d’espoir avec notamment la vente récente de 22 000 bouteilles aux Etats-Unis. En attendant de sortir au plus vite de cette crise, la solidarité joue entre vignerons et négociants.